20 septembre 2014

Eglise de Saint Germain de Fresneaux-Montchevreuil

UNE EGLISE VIEILLE DE 1000 ANS.

A découvrir : - la fenêtre haute plein-cintre en meurtrière de la nef, côté nord datant du XIe.
                     - les modillons de la corniche : figures géométriques, animaux ou gerbe de blé.

Au 16ème siècle un projet grandiose est entrepris, remplacer l'église romane par une église construite en gothique flamboyant dont le chœur seul est achevé.
Admirer les voûtes à clefs pendantes où aboutissent des nervures formant liernes et tiercerons.
Les siècles suivants ont apporté des éléments de décor, boiseries du chœur du 18ème, statuaire des 19ème et 20ème.
Joyaux de l'église : trois tableaux et selon la tradition, le Christ en croix de facture espagnole tous provenant des collections du maréchal Soult dont la fille était marquise de Mornay.

Cette église, centre de la vie paroissiale, est le témoin de l'histoire locale. Aux confins de la Normandie et de l'Ile de France, le seigneur de Montchevreuil a toujours été un personnage important, son château-fort a verrouillé l'avancée des normands de Raoul qui se sont arrêtés aux limites de la commune au lieu-dit Marcheroux (étymologiquement la marche de Raoul). Le seigneur de Montchevreuil a permis l'installation au 12ème des chanoines réguliers de l'ordre des Prémontrés qui ont eu une importance capitale pour notre église. C'est sous leur influence conjuguée à celle du nouveau seigneur que la construction du chœur a été entreprise au 16ème. La guerre de Cent Ans ayant laissé une région ruinée, la prospérité retrouvée incite les hommes à se lancer dans de vastes chantiers de reconstruction. En 1528, date figurant sur un pendentif, le gros œuvre du chœur est achevé. A voir : la date de 1538 à l'extérieur sur la porte la chapelle de Saint Germain dont le décor renaissance est plus tardif. Le 16ème siècle est aussi une période de remise en cause de la foi et la religion protestante progresse rapidement grâce notamment à la famille Mornay, dont le célèbre Philippe de Mornay, ami d'Henri IV, est surnommé " le pape des Huguenots ". Or Jean Chenu seigneur de Montchevreuil n'ayant pas d'héritier direct lègue sa seigneurie à Pierre de Mornay. A découvrir : les sculptures des culots à l'arrivée des nervures dans les colonnettes engagées dans les murs au niveau de la partie supérieure du triptyque sont des représentations allégoriques des seigneurs (personnages mort-né et âgé).
La consécration de l'église a lieu en 1588, elle est dédiée à saint Germain évêque de Paris.

LE TRIPTYQUE DU XVIEME SIECLE

Il occupe les hautes baies de l'abside.
Les donateurs sont les Prémontrés, mais ici le donateur ne s'est pas représenté dans le vitrail, son intention était toute autre comme nous le verrons!
Leur démarche est très réfléchie : les nouveaux seigneurs inquiètent les chanoines Prémontrés en raison du protestantisme de la branche aînée des Mornay. Le triptyque n'a eu d'autres fins que de constituer une magistrale leçon de catéchisme destinée à tous les paroissiens, seigneurs compris. En effet les chanoines de Marcheroux verraient d'un très mauvais œil le seigneur de Montchevreuil devenir protestant par conviction religieuse ou choisir le parti huguenot par intérêt politique, entraînant à sa suite tout le village !
Les maîtres-verriers ont acquis au 16ème siècle des techniques permettant la réalisation de vitraux rivalisant avec des œuvres peintes. Le progrès de la mise en plomb autorise l'utilisation de grands morceaux de verres. Dans les proches forêts de Lyons ou de Thelle, on produit du verre plat. Les découvertes de la chimie permettent une palette étendue de couleurs, le rouge se décline du rose au pourpre, le vert se nuance. Désormais les artistes peuvent obtenir le rendu de la carnation, le chatoiement des étoffes. L'atelier des Le Prince, maîtres-verriers de Beauvais, doit sa réputation au procédé de la grisaille rehaussée de jaune d'argent. Du point de vue artistique, ils utilisent la perspective et s'inspirent des œuvres des grands maîtres diffusées par les gravures, Engrand Le Prince a la réputation de s'en être constitué une très belle collection ! Le maître-verrier ayant œuvré ici a été formé dans l'un de ces célèbres ateliers. La signature de l'artiste figure sur le phylactère de l'Annonciation (à regarder aux jumelles). GR ou JB… s'agit-il de Jehan Buron, verrier en titre de l'église de Gisors de 1528 à 1559?
Le sens de lecture est toujours capital pour comprendre un vitrail. Les trois verrières se lisent de gauche à droite, chacune est constituée par un ensemble de trois vitraux, un cartouche à la base de chaque vitrail offre un thème de méditation, ou un commentaire en latin.

La première verrière à gauche (ou baie 1) se lit dans le sens ascendant :
Anne et Joachim devant la Porte Dorée.
Nativité de la Vierge.
Mariage de la Vierge.

La verrière centrale (ou baie 0) se lit dans le sens descendant :
Annonciation.
Nativité du Seigneur.
Présentation au Temple.

La verrière de droite (ou baie 2) reprend le sens ascendant.
Flagellation.
Portement de croix.
Crucifixion.

Cette disposition est contestée par le chanoine Marsaux, il y voit une erreur de remontage lors d'une restauration : selon nous, cette verrière (la verrière de droite) devrait occuper la fenêtre centrale. En raison de la crucifixion c'est sa place naturelle, au-dessus de l'autel, pour montrer l'union du sacrifice de la croix et du sacrifice de la messe, pour d'autres c'est en raison de la luminosité, deux verrières claires entourant une verrière foncée!
Le message. Ces verrières reprennent des scènes de la Bible, Ancien Testament (à voir le Sacrifice d'Isaac, en grisaille entre les colonnes du Temple de la Présentation au Temple) ou des Evangiles. Tous ces sujets sont bien connus des chrétiens du 16ème siècle. La première verrière évoquant le mariage, la maternité, l'éducation (Marie montant au Temple pour recevoir l'enseignement des Grands Prêtres, sujet en grisaille complétant la Nativité de la Vierge) apporte le côté édifiant que l'on rencontre souvent dans les vitraux. Les thèmes de réflexion sont ici essentiellement axés sur le Serviteur Souffrant, le Salut, le rôle de l'Eglise dans le Salut, la place de la Vierge dans l'Eglise, le rôle du disciple… L'étude des vitraux permet de conclure que l'ordre des verrières voulu par les chanoines a été respecté lors de la restauration au 19ème.
La mise en abîme. Ce procédé était en vogue au moment de la réalisation du triptyque. Nous en avons un exemple avec les personnages accoudés à la balustrade lors du Mariage de la Vierge : ils sont au spectacle et regardent le mariage. Placés là-haut, ils nous regardent alors que la réalité est inverse : nous les regardons. Ainsi nos regards se croisent à travers les siècles et installés non loin des voûtes, ils sont symboliquement au Paradis. Seraient-ce nos maîtres verriers qui se sont amusés à se représenter?
L'époque du vitrail peut se définir à partir des vêtements des soldats romains qui accompagnent Jésus lors de la scène du Portement de croix. Ils sont vêtus à la romaine avec une cuirasse, ce détail permet de penser que le vitrail a été exécuté au milieu du 16ème siècle ; au début du siècle les artistes représentaient les romains comme les soldats de la Renaissance. Ici l'évolution n'est pas complète : ce romain a gardé une barbe digne d'Henri IV !